« Il est là, au milieu de nous. Ceux qui fréquentèrent l'humble logis de la rue de Rome (à Paris) le revoient (ici à Valvins) tel qu'il était chaque mardi soir, debout près du poêle de faïence où il s'accoudait, accueillant chaque nouveau venu avec une affabilité qui n'était jamais banale, tant sa façon de plaire était à la fois ingénieuse, élégante et naturelle. On croit l'entendre encore parler : ses propos bien que délicats et nuancés, n'ont rien d'abord qui frappe. Mais, soudain, une phrase, souvent quelconque, d'un de ses disciples, lui fournit la matière d'un de ces développements où il excelle. Et le voilà parti : c'est, sur un ton bas, presque de confidence, avec des mots très simples, mais auxquels l'imprévu de leur juxtaposition et l'ellipse de la phrase donnent toute leur valeur, une étincelante causerie pleine de sous-entendus qu’indique un imperceptible sourire, et dont l’oeil bleu, tour à tour perçant et doux, souligne les brusques envolées. »
Henri de Régnier
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Le Coup de dés, enregistrement réalisé par Kerwin Rolland pour le Musée Mallarmé, avec Laurent Charpentier
Poèmes et correspondances de Mallarmé, enregistrement réalisé par Kerwin Rolland pour le Musée Mallarmé, avec Aurore Paris et Laurent Charpentier
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« Ce fut Mallarmé lui-même qui vint nous ouvrir et, après une antichambre exigüe, nous introduisit dans une pièce tenant lieu tout ensemble de salon et de salle à manger. Il y avait, dans une niche d'angle, un poêle de faïence, quelques meubles de noyer, et une "suspension" au-dessus d'une table centrale où était posé un bol chinois plein de tabac. Aux murs, quelques très belles choses : un paysage de rivière de Claude Monet, une esquisse d'Edouard Manet représentant Hamlet et le Spectre sur la terrasse d'Elseneur, une eau-forte de Whistler, le petit portrait de Mallarmé par Manet qui est maintenant au musée du Louvre, une aquarelle de Berthe Morisot, et un pastel de fleurs d'Odilon Redon. Tout cela passait pour n'avoir pas plus de valeur que des cadeaux de barioleurs à un semi-dément. Sur un vaisselier, il y avait un plâtre de Rodin représentant une nymphe nue saisie par un faune, et une bûche de bois orangée où Paul Gauguin avait sculpté un profil de Maori dont Mallarmé, pour me taquiner, affirmait qu'il me ressemblait. Voilà tout le décor du cénacle, du fameux cénacle tant bafoué d'où devaient sortir plusieurs écrivains illustres. »
Henri de Régnier