Considérons Lenz comme un frère lointain, et voyons comment il nous raconte dans sa pièce l’effort des jeunes générations à advenir, les empêchements qu’elles rencontrent, et comment elles acceptent de renoncer à leurs ambitions et à leurs désirs.
L’histoire: le jeune Läuffer se fait embaucher comme précepteur par une famille de militaires aisés. Exploité, méprisé, il va d’échecs en déceptions et, ne trouvant d’accomplissement ni dans sa vie sociale ni dans sa vie amoureuse, il commet sur lui-même une mutilation terrible et pour nous métaphorique: il se castre.
Cette figure du pédagogue châtré, cet intellectuel qu’on voit dans la pièce traité comme un serviteur, suscite à la fois notre mépris et notre compassion. Comment le conflit contre le monde de Läuffer devient-il un conflit contre lui-même? Les rapports générationnels sont au cœur de la pièce : les parents sont de mauvais conseil et toutes les morales et toutes les pédagogies semblent vaines.
Lenz emprunte à tous les codes, à tous les genres théâtraux: la comédie, la tragédie, le mélodrame, pour réaliser un théâtre parodique qui critique l’ordre établi. L’écriture témoigne d’une émancipation formelle en même temps qu’elle décrit une société répressive. De la même manière, la forme théâtrale est pour nous pleine de contraintes, mais elle est le détour nécessaire pour pouvoir parler de nous maintenant.
Le matériau, le texte, est “agi” d’une force et d’une énergie éperdue, propice à la démarche théâtrale collective de la compagnie T.O.C. que nous souhaitons à travers ce spectacle: nerveuse, impatiente et combative.
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EXTRAIT 1 DU SPECTACLE
EXTRAIT 2 DU SPECTACLE
« Mon but ? Mais que pensez-vous donc qu’il soit, ce but ? Il y a des gens qui aspirent à dire des choses nouvelles, et, une fois qu’ils les ont dîtes, à les défendre de toutes les forces de leur âme et de leur corps ; de même, la partie la plus grossière du public, faite pour être éternellement auditoire, aspire à entendre des choses nouvelles. Mais étant donné qu’ici un tel public ne..., je n’aurais pas l’audace de vous indiquer la finalité dernière de ces observations, le but que recherchent ceux qui sont de mon parti. Quand vous serez lancé avec moi dans cette chevauchée, peut être trouverez-vous vous-mêmes ce but sur votre chemin, et alors... »
Jakob Lenz, Notes sur le théâtre
Jakob Michael Reinhold Lenz est un poète et dramaturge allemand, né en 1751. Au cours de ses études de théologie, il suivra les cours de philosophie d’Emmanuel Kant. Il élabore ses premières pièces : Le Précepteur, les Comédies, les Notes sur le théâtre, Le Nouveau Menoza. Il parcourt l’Allemagne, la Suisse, les vallées alsaciennes, c’est à ce moment que débutent ses crises de démence et ses tentatives de suicide. L’une de ces crises, en présence du pasteur Oberlin, servira la trame du Lenz de George Büchner (écrit en 1835). Lenz s’installe à Moscou et en 1792, alors agé de 41 ans, il est retrouvé mort dans une rue de Moscou. Nul ne sait où se trouve sa tombe.