VOIR LE TEASER DU SPECTACLE
VOIR LE SPECTACLE COMPLET
« Il se fit un café et le but lentement, debout dans la cuisine, en fumant lentement sa troisième cigarette. Il avait envie de tout mettre par écrit, pour que l’histoire fût claire. D’un autre côté, il avait peur d’en faire un roman. C’est peu de chose, un roman; mais ça n’arrange rien à la réalité des faits. On peut même s’échiner toute sa vie à devenir philosophe, on peut élaborer tout un système délirant, ça n’arrange rien du tout: ça fait vieillir, et à la fin, on meurt toujours, du choléra ou du SIDA, ou même d’un banal cancer ou d’une balle dans la tête. De toute façon, on n’arrête pas le progrès. Liberzon n’avait envie ni d’arrêter, ni de continuer à déconner, même un matin comme les autres. »
Jean-Patrick Manchette, Iris, Edition Gallimard
« J’ai envisagé que le héros monte un commando d’artistes pour s’emparer du bunker. Mais pour l’instant, je suis davantage tenté par la trajectoire d’un homme seul, lequel passe par des moments successifs, au lieu que ces moments soient pour ainsi dire répartis entre divers personnages.
Je ne sais pas du tout comment l’histoire peut finir. Il faut un affrontement direct entre le héros et le nabab. Mais je ne sais pas à quoi cela doit aboutir. »
Notes de Manchette sur Iris, 9 septembre 1981
Jean-Patrick Manchette
Né en décembre 1942 à Marseille, Jean-Patrick Manchette tombe très vite dans le militantisme en luttant activement contre la guerre d’Algérie puis en rejoignant, au début des années soixante, les rangs de l’extrême gauche et des situationnistes chers à Guy Debord. Passionné par le jazz (tendance free), le cinéma, le polar américain, il commence à écrire des scénarios, notamment pour Max Pecas ou pour la télévision. Il entre en littérature avec Laissez bronzer les Cadavres et L’Affaire N’Gusto et révolutionne le polar français, plus habitué, à l’époque, aux gentils gangsters qu’à la critique sociale. Il est considéré comme un précurseur du “ néo-polar ”. Jean-Patrick Manchette a également été le traducteur de Donald Westlake et Robin Cook entre autres, il a travaillé avec des auteurs de bandes- dessinées (Jacques Tardi avec Griffu) ou pour le cinéma en participant à l’écriture de scénarios dans les années 1980 (La Guerre des Polices, La Crime). Il décède en juin 1995 à Paris des suites d’un cancer, laissant derrière lui une dizaine de romans et une influence prépondérante sur l’avenir du polar français.
« Dans notre création, les potentialités du récit se développent à l’intérieur d’une scénographie qui juxtapose plusieurs espaces : un bureau de production dans lequel le tournage se prépare, un plateau de tournage dans lequel le film se tourne, et un écran de projection. Le regard du spectateur traverse les versions qui sont présentées simultanément. Cela donne une forme hybride et j’espère, singulièrement théâtrale. Car cette œuvre nous invite à un théâtre de montage, ainsi qu’à une recherche sur la prise en charge collective et ininterrompue de la narration. Le roman de Manchette se joue des genres avec style et nous contraint à inventer des modalités de récit qui peuvent rendre compte du processus d’écriture autant que de l’histoire. Sur le plateau, nous sommes libres, nous pouvons “faire théâtre de tout”. Ainsi, en reparcourant le texte, nous comprenons ses faux départs et accompagnons l’auteur dans son effort, puis son échec à le finaliser. En plongeant dans l’archéologie d’Iris, nous avons découvert qu’une colère froide bouillait sous ce roman. Derrière l’humour noir, se dégage une véritable écriture de combat. »
Mirabelle Rousseau, La Terrasse, novembre 2015